Sunday, December 30, 2012

Garôden

“C’est l’histoire d’une quête d’absolu. D’absolu dans le combat. La quête de Tanba a peut-être commencé pour savoir qui était le plus fort, mais quand le récit de Taniguchi et Yumemakura commence, on est déjà loin de ça.”

“Tanba s’est formé dans les principes du Karaté, mais a découvert – à ses dépens – que les lutteurs professionnels (le catch), n’étaient pas tous des comédiens, que parmi eux se trouvaient de vrais bêtes de combat cheminant comme lui sur la voie du combat à mains nues. Il a donc développé une technique hybride, avec des percussions au poing ou au pied, et des immobilisations.”

“Tanba a perdu un seul combat dans sa vie, contre un jeune catcheur inconnu : Kajiwara. À la suite de quoi il a passé trois ans à comprendre pourquoi il avait perdu et à se perfectionner pour se dépasser. Mais Kajiwara n’est pas resté le même non plus, il est maintenant une star du catch professionnel. Quand il revient au Japon après une carrière internationale, cela fait six ans que Tanba l’attend. Pas pour prendre sa revanche, non, un mot aussi vulgaire n’appartient pas au vocabulaire des affamés d’absolu.” [ Texte du rabat intérieur de couverture ]

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Garôden (餓狼伝 / La légende des loups affamés) est un manga dessiné par Jiro TANIGUCHI et écrit par Baku YUMEMAKURA (夢枕獏) -- en se basant sur sa série de romans du même titre publié chez Futabasha et qui comporte dix-huit volumes. Originalement publié au Japon entre 1989 et 1990, Garôden a d'abord été sérialisé en France tout au long de l'été 2011 dans le magazine de sport L'Équipe avant d'être publié en un volume par Casterman, dans la collection Sakka, à la fin d'août 2011. La production de ce manga fut sans doute une expérience agréable puisque Taniguchi et Yumemakura collaboreront à nouveau en 2000 pour produire l'excellente série Kamigami no Itadaki (神々の山嶺 / Le Sommet des dieux). Il est à noter également que Yumemakura collabore depuis 1999 avec l'artiste Keisuke Itagaki pour adapter cette même histoire en un autre manga (d'abord sérialisé dans Evening et Young Magazine Uppers avant d'être publié en volumes, vingt-cinq jusqu'à maintenant, par Kodansha et Akita Shoten).

Jiro Taniguchi est surtout connu pour ses manga introspectifs, presque zen, qui traitent (surtout dans les années '90) de déambulation contemplatives, de réminiscence nostalgique, de la vie quotidienne, de la famille et de relation interpersonnelle (j'ai déjà commenté dans ce blog quelques uns des manga qui abordent ces thèmes dont Le journal de mon père (1994), Le gourmet solitaire (1994), Quartier Lointain (1998), Le promeneur (2003), La montagne magique (2005), et Un zoo en hiver (2008)).

Cependant ses premiers ouvrages, produits surtout durant les années '80, touchaient à des thématiques très différentes. Il a écrit des histoires policières ou d'action inspirées du roman noir et des histoires sur la nature sauvage inspirées du roman animalier (sur ces thématiques voir mes commentaires sur Encyclopédie des animaux de la préhistoire (1987-90), Kaze no Shô (1992) et Le chien Blanco (1996)). Étrangement, depuis 2000, il revient à des sujets plus près de ce qu'il faisait à ses débuts, traitant du grand air et de la nature, mais cette fois avec un plus grand raffinement stylistique (ce qui est particulièrement évident dans Sky Hawk (2001) et L'homme de la toundra (2004)).

Garôden, produit à la fin des années '80, appartient donc à la catégorie de ses oeuvres de jeunesse plus frustres qui racontent des histoires d'action. Taniguchi est ici encore loin du style clair et précis et du rythme de narration lent et contemplatif qui ont fait sa renommée. Récit d'action oblige, les planches sont chargées de lignes de vitesse et d'onomatopées (ou effets sonores), les visages sont déformés par l'effort ou la douleur et couverts de sueur et de sang. Le rythme est rapide, l'action violente (sans compter les occasionnelles scènes de sexe). Le récit est plutôt simple mais sans être dépourvue de profondeur. Le personnage principal poursuit une quête de soi, à la recherche de ses propres limites, mais sans doute la quête elle-même est-elle plus importante que l'ultime victoire. Car dès qu'il sait qu'il aura enfin le rematch tant attendu avec le seul lutteur à l'avoir battu, le protagoniste semble perdre sa motivation.

Ce manga seinen est plutôt différent de ce qu'on est habitué de la part de Taniguchi mais c'est tout de même une assez bonne lecture. Taniguchi traite son sujet avec réalisme, rigueur et dynamisme. Le récit n'a pas trop vieilli, et on y retrouve déjà l'amorce des thèmes chers à Taniguchi (par exemple: le cheminement du protagoniste dans sa quête, la relation compétitive mais respectueuse entre les deux adversaires). Maintenant que ses manga plus personnels et contemplatifs ont presque tous été publié, il nous reste donc à découvrir cette autre facette de Taniguchi avec les nombreux titres du même genre encore inédits.

Garôden, par Jiro TANIGUCHI (dessin) & Baku YUMEMAKURA (texte). Paris, Sakka (Casterman), 2011. 15.2 x 21.2 x 2.5 cm, 288 pgs,. 12,50 € / $22.95 Can. Sens de lecture original. ISBN: 978-2-203-04755-6. Recommandé pour jeune adulte.
Garôden © Jiro TANIGUCHI, 1990; © Baku YUMEMAKURA, 1985; © CASTERMAN, 2011 pour la traduction française.

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